Les valeurs personnelles façonnent nos choix quotidiens et guident nos actions, souvent de manière inconsciente. Le travail du psychologue Shalom Schwartz offre un cadre structuré pour comprendre comment ces valeurs s'organisent et influencent nos comportements dans tous les aspects de notre vie.
Les fondements de la théorie des valeurs de Schwartz
La théorie des valeurs de Schwartz représente une avancée majeure dans la compréhension des motivations humaines. Ce modèle, reconnu mondialement, propose une structure cohérente qui organise les valeurs selon leurs relations d'opposition ou de compatibilité, offrant ainsi une grille de lecture applicable à travers les cultures.
Origine et développement du modèle axiologique
Dans les années 1980, le psychologue Shalom Schwartz a entrepris un vaste programme de recherche pour identifier les valeurs fondamentales reconnues dans différentes sociétés. À partir d'études menées dans plus de 60 pays, il a développé progressivement son modèle. Initialement, Schwartz avait envisagé la spiritualité comme une onzième valeur potentielle, mais cette dimension n'a pas été universellement validée dans ses recherches transculturelles. Son approche repose sur la notion que les valeurs sont des croyances profondément ancrées, liées à nos émotions, qui transcendent les situations particulières et servent de principes directeurs dans nos vies. Le modèle de Schwartz propose que ces valeurs s'organisent selon une structure circulaire où les valeurs adjacentes sont compatibles tandis que celles opposées dans le cercle entrent potentiellement en conflit.
Les dix valeurs universelles identifiées par Schwartz
Au terme de ses travaux, Schwartz a identifié dix valeurs fondamentales présentes dans toutes les cultures : l'autonomie (valorisant l'indépendance de pensée et d'action), la stimulation (recherche de nouveauté et de défis), l'hédonisme (quête du plaisir personnel), la réussite (accomplissement selon des standards sociaux), le pouvoir (statut social et contrôle des ressources), la sécurité (harmonie et stabilité), la conformité (respect des normes sociales), la tradition (respect des coutumes et pratiques culturelles), la bienveillance (préservation du bien-être des proches) et l'universalisme (compréhension et protection du bien-être de tous). Ces dix valeurs s'organisent selon deux axes principaux : l'ouverture au changement versus la continuité, et le dépassement de soi versus l'affirmation de soi. Cette structure reflète les motivations sous-jacentes à chaque valeur et explique pourquoi certaines valeurs tendent à être prioritaires ensemble, tandis que d'autres s'opposent naturellement dans les choix individuels.
Structure circulaire et relations entre les valeurs
La théorie des valeurs universelles de Schwartz présente un modèle circulaire qui organise dix valeurs fondamentales selon leurs relations mutuelles. Cette structure circulaire n'est pas arbitraire mais reflète une organisation profonde des motivations humaines. Dans ce modèle, les valeurs adjacentes sur le cercle partagent des motivations similaires, tandis que celles qui se trouvent aux positions opposées répondent à des besoins contradictoires. Cette organisation en cercle a été validée dans de nombreuses cultures, suggérant une base universelle dans l'organisation des motivations humaines.
Les dimensions opposées dans le cercle des valeurs
Le cercle des valeurs de Schwartz s'articule autour de deux axes principaux qui créent quatre quadrants distincts. Le premier axe oppose l'« Ouverture au changement » (regroupant l'autonomie et la stimulation) à la « Conservation » (englobant la sécurité, la conformité et la tradition). Cette dimension reflète la tension entre la volonté d'indépendance de pensée et d'action d'une part, et le désir de stabilité et de préservation des pratiques traditionnelles d'autre part. Le second axe confronte le « Dépassement de soi » (universalisme et bienveillance) à l'« Affirmation de soi » (pouvoir et réussite). Cette opposition traduit le conflit entre la préoccupation pour le bien-être d'autrui et la poursuite des intérêts personnels. L'hédonisme, quant à lui, se situe à cheval entre l'ouverture au changement et l'affirmation de soi, partageant des éléments avec ces deux dimensions.
Compatibilité et conflits entre différentes valeurs
La disposition circulaire des valeurs révèle naturellement les relations de compatibilité et d'antagonisme. Les valeurs adjacentes comme la bienveillance et l'universalisme sont facilement conciliables car elles répondent à des motivations similaires – dans ce cas, le souci du bien-être d'autrui. À l'inverse, poursuivre simultanément des valeurs diamétralement opposées, comme le pouvoir et l'universalisme, génère des tensions psychologiques. Cette structure explique pourquoi certaines combinaisons de valeurs apparaissent fréquemment ensemble dans les profils individuels, tandis que d'autres sont rarement associées. Par exemple, une personne valorisant fortement l'autonomie aura tendance à accorder aussi de l'importance à la stimulation, mais moins à la conformité. La recherche a également mis en évidence que cette organisation pourrait avoir des fondements biologiques liés à quatre pulsions fondamentales : acquérir, relier, apprendre et défendre. La reconnaissance de ces compatibilités et conflits entre valeurs permet de mieux comprendre les dilemmes moraux auxquels nous sommes confrontés quotidiennement, ainsi que les choix de vie qui en découlent.
Valeurs personnelles et développement des compétences managériales
Nos valeurs personnelles guident nos choix et nos comportements au quotidien. La typologie de Schwartz, élaborée par le psychologue Shalom Schwartz, propose un modèle structuré de 56 valeurs regroupées en 10 domaines motivationnels universels. Ces valeurs, comme l'autonomie, la stimulation, la bienveillance ou l'universalisme, forment un système cohérent qui influence notre façon de percevoir le monde et d'interagir avec les autres. Pour les managers, comprendre ce système axiologique représente un atout majeur dans le développement de leurs aptitudes professionnelles.
Alignement des valeurs individuelles avec les pratiques de leadership
Les valeurs personnelles d'un manager façonnent son style de leadership. Selon la théorie de Schwartz, ces valeurs s'organisent sur un continuum circulaire où les valeurs proches sont compatibles tandis que les éloignées peuvent générer des tensions. Un manager qui identifie clairement ses valeurs prédominantes – qu'il s'agisse de l'autonomie (indépendance de pensée et d'action), du pouvoir (statut social et contrôle des ressources) ou de la bienveillance (préservation du bien-être d'autrui) – peut mieux comprendre ses réactions face aux situations professionnelles. La correspondance entre les préférences d'un individu et les valeurs d'une organisation prédit la satisfaction au travail, l'engagement et la fidélité des collaborateurs. Par exemple, un manager valorisant fortement l'autonomie travaillera plus harmonieusement dans une structure encourageant l'initiative personnelle. À l'inverse, quelqu'un privilégiant la tradition ou la conformité s'épanouira davantage dans un environnement stable aux procédures bien établies. Cette connaissance de soi favorise une prise de décision plus authentique et cohérente, renforçant ainsi la légitimité du manager auprès de ses équipes.
Renforcement des soft skills par la connaissance de son profil axiologique
La maîtrise de son profil de valeurs selon la typologie de Schwartz constitue un levier pour développer des compétences relationnelles solides. Les quatre dimensions majeures du modèle – Dépassement de soi, Affirmation de soi, Ouverture au changement et Conservation – offrent un cadre d'analyse précieux pour travailler sur ses aptitudes interpersonnelles. Un manager conscient de ses valeurs prédominantes peut anticiper ses points forts et ses zones de vigilance dans sa relation aux autres. Par exemple, une personne orientée vers le Dépassement de soi (universalisme, bienveillance) aura naturellement des facilités pour l'écoute et l'empathie, tandis qu'une personne privilégiant l'Affirmation de soi (pouvoir, réussite) excellera dans la prise de décision et l'orientation vers les résultats. La connaissance de ces prédispositions permet d'identifier les aptitudes à renforcer pour un management équilibré. Les formations en développement personnel, comme celles centrées sur l'intelligence émotionnelle, la gestion des conflits ou l'affirmation de soi, prennent alors tout leur sens car elles s'appuient sur une compréhension approfondie de ses motivations profondes. Cette connaissance facilite également la communication avec des collaborateurs aux profils de valeurs différents, améliorant ainsi la qualité des relations professionnelles et la gestion des équipes.